À la Médiathèque Jacques Demy, samedi 26 janvier, l'auditorium Jules Vallès était comble. Une centaine de personnes assistait à la conférence : "Morvan Lebesque, les paradoxes d'un intellectuel breton", organisée par Bretagne+, en partenariat avec l'Institut Culturel de Bretagne. Il ne restait que les marches pour accueillir les auditeurs tardifs.
Erwan Chartier est journaliste de la revue AR MEN, et auteur de l'ouvrage "Morvan Lebesque, le masque et la plume d'un intellectuel en quête de Bretagne", Spezet, Coop Breizh, mars 2007. Le conférencier a commencé par évoquer l'origine nantaise de Morvan Lebesque et expliqué ce qui avait forgé sa conscience bretonne : la question sociale, en observant la main d'oeuvre ouvrière Bretonne venue de toute la péninsule et résidant dans les faubourgs autour de la butte Sainte-Anne, ainsi que la découverte de la langue bretonne au fronton du Musée Dobrée. L'auteur a ensuite décrit l'histoire de Morvan lebesque, son passage au PNB, la rupture en 1930, suivie de son retrait, son court passage à Nantes au PHARE DE LA LOIRE, qui deviendra plus tard PRESSE-OCÉAN et son départ pour Paris en 1936. En 1939, Morvan Lebesque connaîtra la débâcle et en 1940, il participe à L'HEURE BRETONNE qu'il quitte 15 jours après, pour repartir à Paris, où il écrit dans le très collaborationniste JE SUIS PARTOUT, des critiques littéraires et artistiques, articles cependant neutres. D'ailleurs, il ne sera pas inquiété à la libération. Dans les années 50, Morvan Lebesque va devenir une des plumes les plus connues du CANARD ENCHAÎNÉ, journal pour lequel il écrira plus de 800 chroniques. Ses articles portent sur la politique et aussi sont une réflexion sociale, empreinte d'humanisme. Durant cette période, il fréquente Albert Camus et, en 1958, il est reconnu comme étant un intellectuel de gauche, opposé au communisme qu'il condamne après les événements de 1956 à Budapest et à la SFIO, trop jacobine et engagée dans la guerre d'Algérie. Morvan Lebesque, inspiré par Georges Sorel, adhère à l'idée d'une gauche libertaire 1. Il refuse l'autoritarisme et est méfiant envers les pouvoirs publics et la police. Aussi, après 1958, il devient un opposant quasi-professionnel de la 5è République, du Gaullisme et de sa dérive monarchique.
Erwan Chartier explique aussi que le journaliste est un homme de théâtre, donnant pour preuve l'écriture de 4 pièces et des critiques théâtrales écrites pour le CANARD ENCHAÎNÉ ou L'EXPRESS. Dans les années 60, ses préoccupations envers la Bretagne reviennent. Il participe ainsi à la revue AR VRO. Il opérera ensuite, à travers son ouvrage célèbre, "Comment peut-on être Bretons ? essai sur la démocratie française", une réflexion, synthèse entre son parcours professionnel lié à un sentiment libertaire de gauche , et son sentiment breton. Ce livre demeure l'ouvrage majeur de la vie politique bretonne des 50 dernières années.
Ronan Le Prohon, rédacteur en chef du journal LE PEUPLE BRETON, explique que 1968 est la confirmation de l'engouement de Morvan Lebesque pour la Bretagne. De même, il fréquente l'UDB cette année là. Mais son affirmation de sa bretonnitude de gauche remonte à avant cette date. Ainsi, le journaliste écrit des chroniques bretonnes dans le journal LE PEUPLE BRETON. La première d'entre-elles est publiée en février 1968. Parallèlement, dans le CANARD ENCHAÎNÉ, il écrit peu de choses sur la Bretagne, la ligne éditoriale du titre ne versant ni dans le régionalisme, ni dans le fédéralisme. C'est pourquoi sa démarche ne plaît pas, lorsqu'il écrit son ouvrage "Comment peut-on être breton ? essai sur la démocratie française". En 1970, il n'écrit plus pour LE PEUPLE BRETON, à cause de divergences politiques. Il crée la NATION BRETONNE qui ne paraît pas longtemps, avant de partir pour le Brésil dans le cadre de l'Alliance française, prévoyant de réaliser parallèlement quelques articles pour LE PEUPLE BRETON. Mais Morvan Lebesque décède.
Selon Ronan Le Prohon, un paradoxe apparaît dans l'ouvrage de Morvan Lebesque, lorsqu'il explique que la Bretagne est colonisée, que tous les Français sont colonisés par l'Etat, et donc, qu'il n'y aurait pas de particularisme breton.Ainsi le contenu du livre lui-même s'en trouverait comme désamorcé.
Pour conclure, Erwan Chartier explique que le livre de Morvan Lebesque garde toute sa modernité, grâce, notamment, à la force de la plume de son auteur et bien que le contexte de la Bretagne ait bien changé (essor économique et social depuis les années 70). Selon Ronan Le Prohon, c'est sa force d'indignation qui est la caractéristique de sa plume au CANARD ENCHAÎNÉ.
Beaucoup de questions réponses viendront ensuite et seront échangées entre les deux conférenciers et un auditoire captivé.
1-Sorel est connu, plus à l'étranger qu'en France, pour son interprétation originale du marxisme, foncièrement anti-déterministe et politiquement anti-étatiste et anti-jacobine, fondée sur l’action directe des syndicats, sur le rôle entraînant du mythe, en particulier celui de la grève générale, et sur la fonction anti-intégratrice de la violence.
Ci-contre, le livre écrit par Erwan Chartier : "Morvan Lebesque, le masque et la plume d'un intellectuel en quête de Bretagne", Spezet, Coop Breizh, mars 2007.
Y.G., dimanche 27 janvier 2008
